Campagnes de prévention - informations d'urgence
Violences intrafamiliales : quel soutien pour les victimes ?
A Monaco, le Comité pour la promotion et la protection des droits des femmes, dirigé par Céline Cottalorda, intensifie ses actions : campagnes de prévention, formation des professionnels, relais associatifs de proximité. Des mesures destinées à créer un climat plus sûr pour que les victimes puissent parler et se sentir protégées. MonacoSanté vous informe.
Contrôle coercitif : la mécanique invisible de la violence décortiquée
C’est devenu un rendez-vous incontournable en Principauté chaque 25 novembre : la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes mobilise l’attention du Comité pour la promotion et la protection des droits des femmes. La déléguée interministérielle pour les droits des femmes, Céline Cottalorda, poursuit inlassablement son travail de prévention et de pédagogie afin de déployer des politiques publiques justes qui atteignent leurs cibles : les victimes de violences physiques comme psychologiques. « Notre objectif est de donner de l'information au grand public et de rappeler les dispositifs d'aide existant à Monaco », souligne-t-elle. Le thème retenu pour l’édition 2025 porte sur le contrôle coercitif entre partenaires intimes, du point de vue de l'auteur de violence. A l’aide d’un petit film d’animation intitulé Boîte noire, en version française et anglaise, on décrypte les signaux qui deviennent des moyens de contrôle de l’auteur de violence sur sa victime. « Ce film raconte l’histoire d'une relation qui commence comme une relation amoureuse et qui va peu à peu s'inscrire dans une relation toxique où il y a un contrôle de l'homme sur la femme. Il l'empêche de voir ses amis, de téléphoner ou va contrôler ses mails. L'histoire se termine très mal puisqu'on va jusqu'au bout de la démarche. » Le but : montrer l'enfermement dans lequel vont se retrouver la victime et l’auteur.
Mieux accueillir les victimes : la force du travail de terrain
« Nous voulions expliquer la notion de contrôle coercitif, qui n'est pas toujours bien connue, contrairement à celle de l’emprise. La jalousie poussée à une certaine limite, ce n'est pas un comportement sain. On donne des clés afin de reconnaître les signes d'une violence latente qui est en train de s’installer, d'abord psychologique, mais qui ensuite se termine très souvent en violence physique.» Diffusée notamment le 25 novembre au lycée Rainier III (1), cette campagne de prévention s’est également accompagnée cette année d’un concours ouvert aux jeunes talents vidéastes sur le même thème. Plusieurs visuels reprenant des moments clés du film sont exposés au centre commercial de Fontvieille. Objectif : inciter les victimes mais aussi leur entourage à parler afin que les violences cessent. Pour cela, un numéro d’appel gratuit et anonyme est accessible 7 jours sur 7 : le 0800 91 90 10. « Ce n'est pas un numéro de secours, mais c'est un numéro d’aide, d'informations, et de conseils sur toutes les formes de violences », détaille Céline Cottalorda. Depuis 2019, les professionnels (policier, travailleurs sociaux, associations, chefs d’établissements scolaires, professeurs) en contact avec les victimes suivent des formations gratuites organisées par l’Administration , délivrées par une ancienne déléguée aux droits des femmes des Alpes-Maritimes et une psychologue clinicienne spécialisée dans les violences conjugales. Quatre modules abordent des thèmes aussi variés que l'accueil des victimes, leur prise en charge ou encore le retour d'expérience entre professionnels. Le dernier, lui, est consacré aux auteurs de violences. « L'idée générale de ces formations, c’est de transmettre une culture commune et de créer un maillage de professionnels. Il faut que les contacts entre eux soient fluides et qu'on puisse rapidement trouver des solutions pour une victime . Si les personnes parlent, il faut savoir bien les accueillir, bien les prendre en charge, bien les aider, bien les accompagner jusqu'au processus judiciaire, s'il y a des sujets judiciaires. C'est pour ça qu'il est important qu'il y ait tout un maillage de professionnels, du début à la fin de la chaîne.»

Un contexte monégasque particulier qui nécessite des réponses adaptées
Au 1er novembre 2025, 45 cas de violences ont été répertoriés par la Sûreté publique, contre 51 cas remontés par l’Association des Victimes d’Infractions Pénales (AVIP). Plus de la moitié concerne des sévices physiques . Viennent ensuite les violences sexuelles puis les violences psychologiques ou le harcèlement. 90% des victimes sont des femmes. Les auteurs sont principalement les conjoints ou ex-conjoints. « Les formes de violences, très souvent, s'additionnent. Vous allez avoir une violence psychologique, puis physique qui peut parfois être sexuelle, parfois aussi économique. Il est vrai que si les victimes ne parlent pas, elles vont rester isolées. On sait très bien qu'il y a une part grise dans nos chiffres. Cela est sans doute dû à la petite taille du territoire où tout le monde se connaît. La pression sociale peut être très forte », reconnaît Céline Cottalorda. Pour convaincre les victimes, des aménagements sont proposés. Comme à l’AVIP, où une entrée plus discrète est possible pour ne pas être reconnue. Autre spécificité monégasque : la prévalence des violences économiques. « Les victimes de ce type de violence sont souvent des femmes étrangères qui accompagnent leur mari, conjoint ou compagnon, lequel dispose de toutes les ressources financières. En changeant de pays, la femme va se retrouver dans une situation de dépendance économique. Elle ne sait pas forcément à qui parler ni quels sont ses droits. » L’enjeu est de parler au plus grand nombre et de toucher toutes les communautés présentes à Monaco.
Le sexisme ordinaire, racine profonde des violences
Dans le viseur de la Déléguée interministérielle, la lutte contre le sexisme ordinaire fait également figure de priorité. « Le terreau des violences, c'est toujours le sexisme. A partir du moment où on considère que les hommes sont mieux ou supérieurs aux femmes, il n'y a pas de limite. Par exemple, si un père de famille ne parle pas bien à son épouse devant leurs enfants, cela leur inculque certains clichés : ils peuvent se dire que vous pouvez mal lui parler, mal la traiter, ou la frapper si elle ne fait pas ce que vous voulez. » Côté emploi, les écarts de salaire entre homme et femme sont également un facteur suivi de près. « On ne le traite pas en lien direct avec les violences, mais cela nous renseigne sur la société : quels sont les domaines où il y a les plus gros écarts, ou les plus faibles, et comment les choses évoluent. Bien que les femmes soient de plus en plus éduquées, elles restent sous-représentées à Monaco dans les secteurs les plus rémunérateurs et dans les lieux de décision, comme les conseils d’administration », confie-t-elle. Pour tenter d’améliorer la donne, le Comité se tourne vers les nouvelles générations. Une partie des jeunes est très éveillée au sujet du sexisme ordinaire, mais la vigilance demeure nécessaire, en particulier dans l’espace numérique « hyper violent et hyper cliché ». Pour les sensibiliser, le Comité a instauré, avec l’appui de la Commission d'insertion des diplômés, des débats destinés à « aller contre les stéréotypes de genre ». Essaimer des graines dès le plus jeune âge pour enrayer la dynamique insidieuse de la violence. Depuis sept ans, le travail de Céline Cottalorda et de tous les acteurs qui accompagnent les victimes de violences intrafamiliales en Principauté pousse les victimes à sortir du silence pour rompre ce cercle vicieux des violences. « Il ne faut vraiment pas avoir honte de parler, parce que c'est très difficile de s'en sortir tout seul. »
Informations pratiques :
Numéros utiles pour les victimes de violence à Monaco :
- 0800 91 90 10 / Appel anonyme et gratuit 7J/7
- 18 / 112/ 17
- Association pour les victimes d’infractions pénales (AVIP) : 93 25 00 07
- www.dfm.mc
(1) Lycée Rainier III, mardi 25 novembre à 18h30, entrée libre